mardi 23 décembre 2014

[Rétrospective] Sigur Rós (1/3)

Si Sigur Rós est reconnu dans le monde entier pour sa musique unique, mélange de plage ambiante d'une grande beauté et de montée en puissance rock, beaucoup ont été surpris par le virage plus sombre de Kveikur, dernier album en date. L'occasion pour moi de faire une rétrospective de la carrière du groupe et montrer que, malgré une musique et un ton assez identifiable, Sigur Rós a su évoluer au cours de sa carrière et que certaines de ses facettes sont injustement méconnues.


Von - Post Rock - 1997

Ce premier album est très surprenant au regard de la suite de la carrière du groupe. Si l'étiquette fourre tout de Post Rock est accolée au groupe, c'est sans doute cet album qui le mérite le plus. Il s'ouvre sur une plage longue, angoissante et malsaine, qui aurait sa place comme introduction d'un album de Bathory, seul son final plein d'espoir qui vient déchirer le voile de ténèbres nous rappelle qu'on a bien à faire à du Sigur Rós. La suite est des plus éclectique, mais reste très rock dans son instrumentation et dans sa philosophie. Entre le violent Hún Jörð et le morceau suivant entrainant et aérien, c'est un album très énergique, mais dont le ton change constamment, parfois léger et plein d'espoir (c'est la signification du mot Von), parfois carrément glauque. De ce premier album, il n'en reste pas grand chose dans la suite de la carrière de Sigur Rós. Le rapport passage Rock/Ambiant sera complétement inversé, l'atmosphère oppressante sera remplacée par une musique plus légère et mélancolique. Ne reste que le langage de Jonsi, qui porte le nom de cet album, le Vonlenska, réutilisé par la suite. Un ovni musical, qui de par sa différence en fait un indispensable du groupe, qui ainsi ne souffre pas de la comparaison avec les pièces suivantes. Un album exigeant, qui ne se laisse pas apprivoiser facilement, mais d'une grande richesse et d'une grande beauté, qui s'avère être l'une des plus grandes réussites du groupe.

 Ágætis byrjun - Ambiant/Electro - 1999

Après Von vendu à 313 exemplaires l'année de sa sortie, Ágætis byrjun pose les jalons du ton Sigur Rós et sera le premier vrai succès du groupe, renforcé par l'album suivant (). Par rapport à Von, l'instrumentation rock disparait presque complétement, au profit de touches électro légères qui viennent renforcer et rythmer l’acoustique dominant. L'album est presque exclusivement ambiant, tissant des mélodies tristes et joyeuses à la fois, emprunt d'une grande nostalgie, comme lorsque l'on regarde s’éloigner un ami et que l'on se remémore avec un sourire les bons moments passés ensemble, sans savoir si on le reverra, où si c'est un adieu. Chaque chanson prit séparément est un petit bijou qui nous enveloppe d'une douceur cotonneuse, un pur moment de détente, mais au sein de l'album, elles sonnent toutes comme une fin, un au revoir, ce qui donne à l'ensemble un côté répétitif, sans fin et c'est la principale faiblesse de cet album qui reste néanmoins très agréable à écouter.


( ) - Post Rock - 2002

Si () est dans la continuité de Ágætis byrjun, qui avait jeté les véritables bases de la musique de Sigur Rós, () réimplante un caractère plus sombre et rock à la musique, mais en touche beaucoup plus discrète que sur Von. Un dosage subtil qui permet à ces passages de créer un climax d'une intensité folle, qui fait de cet album, disons le tout de suite, le meilleur de Sigur Rós, et l'un des plus grand de ce début de siècle.
On pourrait diviser cet album en deux parties, la première ambiante, mélodique, magnifique, à s'en faire dresser les poils sur les bras, voir à verser quelques larmes, si on l'écoute dans un état d'esprit déjà mélancolique et la seconde plus énergique, des chansons tout en progression qui tendent vers une explosion finale. Mais là où réside la force de cet album, c'est dans sa construction, où cette progression au sein des chansons se retrouvent également tout au long de l'album, qui ne cesse de gagner en intensité. Il n'y a pas de césure marquée mais une transition logique, en douceur vers les deux pôles de l'album. On arrive au dernier morceau complétement désarmée, la sensibilité à fleur de peau, pensant déjà avoir tout entendu et c'est là qu'arrive ce climax, que Sigur Rós a mis plus d'une heure à construire. On touche au sublime et à la grâce, la musique pénètre notre âme et on sort de cette écoute touché, marqué à jamais. Plus qu'un album, c'est une expérience à vivre, un de ses rares albums qui transcendent la musique.

Prochains épisodes :
(2/3) - Takk, Hvarf/Heim, Með suð í eyrum við spilum endalaust 
(3/3) - Valtari (+The Valtari Mystery Film Experiment), Kveikur

>>A relire : Focus - Musique Islandaise