mardi 30 décembre 2014

[Rétrospective] Sigur Rós (3/3)

Suite et fin de la retrospective des albums de Sigur Rós.
 
















Les épisodes précédents, c'est par ici :
Episode 1
Episode 2

Valtari - Post Rock - 2012

Après le succès mitigé de Með..., Sigur Rós retourne à la musique qui a fait son succès, le post rock. L'instrumentation est de nouveau plus variée, avec le retour d'une sonorité plus électrique mais discrète. L'ensemble garde le côté épuré entrevu sur les balades du précédent album. La musique dans sa construction reste simple sans être simpliste et renforce l'ambiance mélancolique, plus lourde pour un résultat touchant et sincère. Aucune balade enfantine ou rigolote ne vient ternir l'atmosphère de l'album, qui pourrait s'avérer pesante, si elle était dénuée d'une note d'espoir, présente comme souvent chez Sigur Rós. On y retrouve un des plus beaux morceaux du groupe, Varuð, qui à l'instar d'un Untitled #8 ou d'un Glósóli reproduit cette structure basée sur le contraste entre passage aérien et montée en puissance. Ici c'est la batterie qui vient apporter du poids et du rythme à l'envolée lyrique des chœurs pour un résultat encore plus intense et émouvant.
Cet album est également accompagné de la sortie d'un dvd qui regroupe une série de courts métrages réalisés par plusieurs réalisateurs différents mettant en image les chansons de Valtari : Le Valtari mystery film experiment et c'est sans surprise Varuð qui est le plus mis à l'honneur. La version de Ingibjörg Birgisdóttir est la plus simple, présentant une carte postale animée, où des silhouettes viennent se positionner dans les falaises avec des lampes torches, qui s'allument en même temps que la musique gagne en intensité. Je vous l'avez déjà présenté sur mon focus sur la musique islandaise et je ne peux m’empêcher de vous redonner le lien en fin d'article. Je ne vais pas aller plus en avant dans l'analyse cinématographique de cette œuvre, ce n'est pas ma spécialité. Il est juste intéressant de constater qu'une même musique peut  inspirer des images très différentes selon les réalisateurs, chacun y ressentant des émotions différentes. Cette capacité à nous toucher personnellement, à faire écho à nos propres sentiments est sans doute la principale force de Sigur Rós.

Kveikur - Rock - 2013


Fin de cette rétrospective avec Kveikur, dernier album en date de Sigur Rós. Si Valtari avait pu décevoir certains par son côté très minimaliste et assez peu original, Kveikur marque quant à lui une rupture assez nette dans la discographie du groupe. Les difficultés de composition de Valtari, ainsi que le départ d'un des membres du groupe, Kjartan Sveinsson explique sans doute ce changement de cap.
Kveikur est un album plus sombre et violent, qui se rapproche de Von. Sigur Rós fait toujours du post-rock, mais les passages planants sont réduits au minimum, pour ne conserver qu'une instrumentation qui vient alléger des passages pop et rock. 
L'ensemble sonne plus spontané, moins réfléchi, pour un résultat plus accrocheur et rythmé, plus facile d'accès. Ce changement dans la construction des morceaux n’altère pourtant pas la capacité de Sigur Rós à créer de l'émotion. Les atmosphères sont toujours aussi présentes et, là encore comme pour Von, on alterne chansons sombres et lourdes avec des musiques plus légères. Si l'instrumentation et la construction des morceaux ont beaucoup évolués, l'âme et le cœur de la musique reste identique. Les morceaux Brennisteinn (lien en bas de page - morceau rendu célèbre par ces nombreuses utilisations à la télé) et Kveikur représentent parfaitement cette nouvelle orientation.
Kveikur est donc un album de rock ciselé comme une pièce d’orfèvre, riche et varié, et d'une grande beauté. Il apporte un vent de fraicheur à la discographie de Sigur Rós qui avait baissé en qualité après les deux grandes œuvres qu'étaient ( ) et Takk...
Bonus : Si vous avez la version deluxe, elle est fournit avec un vinyle 10" bonus de 3 chansons, un remix de Brennisteinn angoissant à souhait et deux morceaux figurant dans un EP promotionnel ayant accompagné la sortie du single Brennisteinn.

Liens :
Varuð par Ingibjörg Birgisdóttir : C'est ici
Brennisteinn : C'est par là

Pour résumer, je ne me suis pas lancé dans une analyse précise de la musique de Sigur Rós, car elle ne se raisonne pas, elle ne se prête pas à de grandes études, il n'y a pas de grands concepts, juste une volonté de faire une musique touchante et interprétée par chacun d'une manière différente. C'est pour cela que mon avis sur un album ne peut être considéré comme universel, il s'agit bien de mon ressenti personnel et à ce petit jeu, je vous propose mon top 3 de mes albums de Sigur Rós préférés.

3 - Kveikur
2 - Takk...
1 - ( )

Et si je devais faire découvrir le groupe, mon choix se porterait sur Takk... plus facile d'accès.

Ainsi s'achève cette rétrospective, bonne année et à bientôt pour de nouvelles aventures musicales.

lundi 29 décembre 2014

[Rétrospective] Sigur Rós (2/3)

 Suite de la rétrospective sur la carrière de Sigur Rós, on attaque avec le quatrième album studio du groupe.
L'épisode précédent, c'est par ici.


Takk... - Post Rock - 2005

Après la grande réussite que fut (), Sigur Rós décide de jouer dans la continuité, gardant cet équilibre entre mélodie mélancolique et passage rock énergique. Glósóli astucieusement placé en tout début d'album jette un pont entre () et Takk..., où l'on retrouve cette construction qui progresse d'une mélodie simple et belle à l'arrivée des guitares rugissantes lors d'un final scotchant. Mais les nuances avec le précédent sont de tailles. Les ambiances tissées sont toujours aussi belles, mais moins sombres, empruntent d'une lumière, d'une note d'espoir qui réchauffe le cœur comme sur le magnifique Hoppípolla. Même dans la production et le choix des instruments, la musique dégage une forme de chaleur réconfortante. La palette des instruments s’élargit également avec la présence plus soutenue de Amiina, quatuor à cordes qui les accompagnera lors de la tournée qui suivra la sortie de l'album. Takk... perd un peu en profondeur, le ton se fait plus léger et sa construction moins ambitieuse. Mais les morceaux gagnent en autonomie et en efficacité. Le choix de ne pas nommer les chansons de () illustrait cette volonté de produire un album uni où chaque chanson faisait partie d'un tout et perdait de son intérêt isolée. Au contraire de Takk... où les pistes peuvent s'écouter séparément sans perdre de leur force, comme pour Sé lest, Sæglópur et Milanó qui forment le cœur de l’œuvre. Au final, ces deux albums sont très proches, on ressent très clairement la patte maintenant bien affirmée du groupe, mais cette même musique est traitée avec une volonté, une ambition très différente. En résultat l'apogée du groupe, avec leur deux meilleurs albums.

Hvarf/Heim (EP) - Post Rock / Rock Acoustique - 2007

Ep réunissant deux enregistrements, le premier Hvarf (disparu), composé en studio propose des chansons inédites et des reprises de vieux morceaux réarrangés, le second Heim (Maison) est un concert acoustique, enregistré dans le café Gamla Borg devant des amis du groupe.
Les trois premiers morceaux sont inédits et ils auraient été dommage d'en être privé. Sigur Rós reste dans la veine de ses précédents albums, ne révolutionnant pas sa musique, mais renforçant ici l'aspect rock, sans toutefois négliger les ambiances toujours aussi émouvante, toujours mélancolique, mais aussi plus sombre, comme sur Hljómalind, sublime et puissant. On monte encore en intensité avec Í Gær, déchirante. La suite est d'un intérêt moindre, non pas à cause d'une baisse de qualité des morceaux, mais parce qu'il s'agit de reprise de précédents morceaux, soit remixés, soit en concert acoustique. Dans les deux cas, l'apport par rapport aux versions originales est trop faible pour faire de cet EP un indispensable du groupe.

 Með suð í eyrum við spilum endalaust - Folk/Pop - 2008

Pour éviter de souffrir de la difficile comparaison avec les deux précédents albums - () et Takk... - assez proches finalement, Sigur Rós décide pour ce Með suð í eyrum við spilum endalaust (assez difficile à caser en soirée) de prendre son auditoire à contre pied, avec un album très léger. On alterne entre balade folk paisible (Góðan daginn) et chansons plus pop et joyeuses, voir enfantines (Gobbledigook). Il s'agit également de leur premier album contenant une chanson en anglais All Alright, tentative sans doute de toucher un plus large public qui pourrait être rebuté par les sonorités rugueuses et un peu archaïque de l'Islandais (Íslenska) ou du Vonlenska. Il faut attendre Festival, morceau très épuré où Jónsi se retrouve accompagné de très légères nappes de clavier dans une ambiance quasi religieuse, avant une classique montée porté par la batterie et la guitare pour retrouver le style des précédents albums. Mais ici, la sauce ne prend pas et la chanson sonne un peu creux. Au final, rien de désagréable, mais un album peu profond, trop léger et épuré pour être d'un réel intérêt.

J'ai volontairement "oublié" deux EP : Ba Ba Ti Ki Di Do, pas des plus passionnant et Rimur que je ne possède pas.



Épisode suivant : Valtari et Kveikur. Sigur Rós retrouvera-t-il le feu sacré après le décevant Með... ?

Prochaine rétrospective, on reste dans le nordique, mais on part en Suède, avec Fredrika Stahl.

mardi 23 décembre 2014

[Rétrospective] Sigur Rós (1/3)

Si Sigur Rós est reconnu dans le monde entier pour sa musique unique, mélange de plage ambiante d'une grande beauté et de montée en puissance rock, beaucoup ont été surpris par le virage plus sombre de Kveikur, dernier album en date. L'occasion pour moi de faire une rétrospective de la carrière du groupe et montrer que, malgré une musique et un ton assez identifiable, Sigur Rós a su évoluer au cours de sa carrière et que certaines de ses facettes sont injustement méconnues.


Von - Post Rock - 1997

Ce premier album est très surprenant au regard de la suite de la carrière du groupe. Si l'étiquette fourre tout de Post Rock est accolée au groupe, c'est sans doute cet album qui le mérite le plus. Il s'ouvre sur une plage longue, angoissante et malsaine, qui aurait sa place comme introduction d'un album de Bathory, seul son final plein d'espoir qui vient déchirer le voile de ténèbres nous rappelle qu'on a bien à faire à du Sigur Rós. La suite est des plus éclectique, mais reste très rock dans son instrumentation et dans sa philosophie. Entre le violent Hún Jörð et le morceau suivant entrainant et aérien, c'est un album très énergique, mais dont le ton change constamment, parfois léger et plein d'espoir (c'est la signification du mot Von), parfois carrément glauque. De ce premier album, il n'en reste pas grand chose dans la suite de la carrière de Sigur Rós. Le rapport passage Rock/Ambiant sera complétement inversé, l'atmosphère oppressante sera remplacée par une musique plus légère et mélancolique. Ne reste que le langage de Jonsi, qui porte le nom de cet album, le Vonlenska, réutilisé par la suite. Un ovni musical, qui de par sa différence en fait un indispensable du groupe, qui ainsi ne souffre pas de la comparaison avec les pièces suivantes. Un album exigeant, qui ne se laisse pas apprivoiser facilement, mais d'une grande richesse et d'une grande beauté, qui s'avère être l'une des plus grandes réussites du groupe.

 Ágætis byrjun - Ambiant/Electro - 1999

Après Von vendu à 313 exemplaires l'année de sa sortie, Ágætis byrjun pose les jalons du ton Sigur Rós et sera le premier vrai succès du groupe, renforcé par l'album suivant (). Par rapport à Von, l'instrumentation rock disparait presque complétement, au profit de touches électro légères qui viennent renforcer et rythmer l’acoustique dominant. L'album est presque exclusivement ambiant, tissant des mélodies tristes et joyeuses à la fois, emprunt d'une grande nostalgie, comme lorsque l'on regarde s’éloigner un ami et que l'on se remémore avec un sourire les bons moments passés ensemble, sans savoir si on le reverra, où si c'est un adieu. Chaque chanson prit séparément est un petit bijou qui nous enveloppe d'une douceur cotonneuse, un pur moment de détente, mais au sein de l'album, elles sonnent toutes comme une fin, un au revoir, ce qui donne à l'ensemble un côté répétitif, sans fin et c'est la principale faiblesse de cet album qui reste néanmoins très agréable à écouter.


( ) - Post Rock - 2002

Si () est dans la continuité de Ágætis byrjun, qui avait jeté les véritables bases de la musique de Sigur Rós, () réimplante un caractère plus sombre et rock à la musique, mais en touche beaucoup plus discrète que sur Von. Un dosage subtil qui permet à ces passages de créer un climax d'une intensité folle, qui fait de cet album, disons le tout de suite, le meilleur de Sigur Rós, et l'un des plus grand de ce début de siècle.
On pourrait diviser cet album en deux parties, la première ambiante, mélodique, magnifique, à s'en faire dresser les poils sur les bras, voir à verser quelques larmes, si on l'écoute dans un état d'esprit déjà mélancolique et la seconde plus énergique, des chansons tout en progression qui tendent vers une explosion finale. Mais là où réside la force de cet album, c'est dans sa construction, où cette progression au sein des chansons se retrouvent également tout au long de l'album, qui ne cesse de gagner en intensité. Il n'y a pas de césure marquée mais une transition logique, en douceur vers les deux pôles de l'album. On arrive au dernier morceau complétement désarmée, la sensibilité à fleur de peau, pensant déjà avoir tout entendu et c'est là qu'arrive ce climax, que Sigur Rós a mis plus d'une heure à construire. On touche au sublime et à la grâce, la musique pénètre notre âme et on sort de cette écoute touché, marqué à jamais. Plus qu'un album, c'est une expérience à vivre, un de ses rares albums qui transcendent la musique.

Prochains épisodes :
(2/3) - Takk, Hvarf/Heim, Með suð í eyrum við spilum endalaust 
(3/3) - Valtari (+The Valtari Mystery Film Experiment), Kveikur

>>A relire : Focus - Musique Islandaise

jeudi 11 décembre 2014

[News] Ólafur Arnalds - Trailer de la nouvelle saison de Broadchuch

Après une première saison de grande qualité, recueillant succès populaires et critiques, Broadchurch revient le 5 Janvier sur la chaine britannique ITV. 
Ólafur Arnalds est toujours au commande de la musique et nous annonce plus de 5 nouvelles heures composées.
Avec David Tennant et Olivia Colman qui reprennent leur rôle, on est en droit d’espérer une nouvelle grande expérience télévisuelle.
Vous pouvez vous faire une première idée en regardant le trailer officiel :



En rapport : Focus - Musique Islandaise

lundi 8 décembre 2014

[News] Kiasmos - Held (Official Music Video)




A l'image de Burnt et son audiovisuel, la nouvelle vidéo de Kiasmos reste très minimaliste et fait plus figure d'une mise en relief et en couleur de la musique que d’œuvre cinématographique. Mais quand la musique se suffit à elle même, pas forcement besoin d'artifice.
Held est extrait du premier album de Kiasmos sortit le 27 octobre de cette année.



Revisionnez également Burnt :

Chronique de Kiasmos
Focus - Musique Islandaise

dimanche 7 décembre 2014

[Rétrospective] Bang Gang

Retour sur la carrière hautement qualitative de Bang Gang, projet auto-centré autour du talentueux Barði Jóhannsson, dont j'avais déjà évoqué rapidement la carrière ici. De 1998 à 2014, Bang Gang n'a sorti que 3 albums, mais ce n'est pas forcement, à l'image d'un Laurent Voulzy (oui j'ose la comparaison...), parce que Barði prend son temps pour peaufiner à l'extrême sa musique, mais de nombreux autres projets l’accaparent (Lady & Bird, Starwalker, de nombreuses de BO de film et séries...). Si bien qu'au fil des années, Bang Gang apparait presque comme l'un de ses projets secondaires.

You - Trip Hop - 1998


 Premier effort du jeune Barði Jóhannsson, qui en est au début de sa carrière musicale, que ce soit au sein de Bang Gang, ou de ses autres projets qui ne seront possibles qu'en partie grâce à la notoriété que ce premier album lui apportera. Contrairement à la suite de sa carrière, il n'est pas difficile de cerner les contours de cette musique, du Trip Hop spontané, très bien produit, porté par le duo Barði/Esther Talia Casey à la voix qui marche à merveille. Les chansons sont tantôt très rythmés, accrocheuse, tantôt plus aérienne et sombre, où les deux à la fois, comme So Alone, petit bijou irrésistible. La première moitié de l'album frise la perfection, jusqu'à Sleep, mais le manque de renouvellement de la musique peut créer une petite lassitude sur la seconde moitié, bien qu'elle aussi très qualitative. Un album qui sans révolutionner le genre, montre déjà les très fortes prédispositions de Barði à composer de puissante mélodie.

Something Wrong - Pop électro-accoustico-symphonique... - 2003


Il faudra attendre cinq ans de plus pour la sortie de l'opus suivant, qui propose un changement radical de son. Barði Jóhannsson abandonne le Trip Hop et ambitieux, souhaite inclure tout son univers musical en un album. Les sonorités électriques laissent parfois place à une instrumentation acoustique, où à des plages orchestrales, comme le magnifique thème de There was a whisper, qui sera repris dans sa BO d'Haxan  Le tout drapé dans une atmosphère doucement mélancolique. On tutoie les étoiles sur la somptueuse chanson d'ouverture Inside qui côtoie des chansons plus fades comme Follow ou la niaise Stop in the name of Love. On retrouve le tube Find What You Get, ultra-efficace mais qui dénote avec le reste de l'album et qui aurait bien plus sa place sur Ghost form the past. Ou encore la chanson titre, qui elle se rapproche plus de l'esprit du premier album. Bref, un album fourre-tout, bourré de bonnes idées, mais dont l'incohérence et la qualité inégale déçoivent un peu.

Ghost from the past - Pop Rock - 2008


Ce dernier album, à l'heure où j'écris ces lignes, peut être décomposé en deux parties. La première, propose un pop rock simple, mélodique et accessible, qui s'il ne brille pas par son originalité ni sa profondeur, aura le mérite de ne fâcher personne. Mais le disque prend de l'ampleur à partir du 5ème morceau totalement instrumental, Lost in Wonderland, énergique et planante à la fois, qui marque l'entrée dans la seconde moitié de l'album, plus sombre, plus violente parfois, mélancolique également. Le morceau Ghost From the Past est un petit bijou, et l'album s'achève presque (il restera un dernier court et planant morceau de conclusion) par You Won't Get Out, dont l'instrumentation et sa construction tout en progression, où la guitare électrique prend une part de plus en plus importante, n'aurait pas dénoté dans un album de Sigur Rós. Si le changement d'orientation musical amorcé avec le précédent opus avait été parfois maladroit, sur ce troisième effort, Barði Jóhannsson fait preuve d'une bien plus grande maitrise et nous offre une pop minimaliste (guitare-piano-voix) émouvante et magnifique. Le meilleur (pour le moment) de sa discographie.

vendredi 5 décembre 2014

[Focus] Ecole de Canterbury 2/2

Suite et fin de notre découverte de l'école de Canterbury.
Si vous n'avez pas lu le premier épisode, c'est par ici que ça se passe !

II - Caravan

Si Soft Machine et les groupes qui en découlent étaient très éloignés du rock progressif, mélangeant les éléments jazz, psychédélique, parfois space rock à un esprit proche du dadaisme, Caravan lui s'en rapproche beaucoup plus et fait figure, si ce n'est de pionnier, au moins d'un des piliers les plus influents du genre. Mais là où des groupes comme Yes, Jethro Tull ou ELP se perdront parfois dans une trop grande complexité, Caravan propose un mélange subtile entre expérimentation, technicité et sens mélodique prononcé.
Fondé en 1968, à peu près à la même période que la plupart des autres monstres sacrés du genre : Jethro Tull (67), Genesis (67), Yes (68), King Crimson (69)... Ils sortent dès leur première année un album éponyme, plus pop rock que prog'. Il faudra attendre 1970 (l'après In The Court of Crimson King) et If I Could Do It All Over Again, I'd Do It All Over You pour que le propos se fasse plus ambitieux, tout en gardant cette mélodie limpide qui sera la marque de fabrique du groupe. Une vraie réussite, qui connaitra un succès d'estime et commercial (bien que toujours dans l'ombre des immenses succès de Jethro Tull, King Crimson, Yes). Avec In the Land of Grey and Pink sortit l'année suivante, Caravan assoira sa notoriété et son influence, sans doute leurs deux albums les plus réussis. Par la suite, le groupe connaitre une activité sporadique, avec beaucoup de changement de line-up, et ceux jusqu'à aujourd'hui, le dernier album Paradise Filter étant sortit l'an dernier (2013).




Là encore, Caravan aura une descendance spirituelle, avec des groupes qui perpétueront cet esprit de Rock Progressif limpide et mélodique, mais également filiale, avec des transferts de musiciens. Ainsi, des membres fondateurs, Pye Hastings, Richard et David Sinclair et Richard Couglhan, rencontré lors du fameux projet Wilde Flowers, beaucoup iront prêter main forte à des groupes en devenir, ou fonder leurs propres projets.

Le plus important d'entre eux, et mon chouchou, je dois le reconnaitre, Camel avec un rock progressif de grande classe, poussant encore plus loin la recherche de la mélodie, oubliant parfois le chant (leur point faible) pour s'étendre dans des vapes instrumentales, frisant l'ambiant, de toutes beautés. L'album Snow Goose reste une référence du genre, tandis que Mirage proposait un Rock Progressif plus technique. Tout comme Caravan, et sans doute porté par des mélodies qui vieillissent moins que la surenchère technique, le groupe a survécu aux décennies, proposant régulièrement des albums très beau, jusqu'à cette dernière tournée en 2013, avec la réinterprétation live de Snow Goose, un moment mémorable. Avant tout fils spirituel de Caravan, la filiation s'accentuera avec l'arrivée de Richard et David Sinclair.


  
Hatfield and the North est l'exemple type de ces formations issus de l'école de Canterbury, vu qu'il contient en son sein Pip Pyle (Gong), Richard Sinclair (Caravan, Camel) Phil Miller (Matching Mole) et Steve Miller (Caravan). Robert Wyatt (Soft Machine, Matching Mole, Kevin Ayers...) y passera une tête, ainsi que Dave Stewart (Egg, autres groupes de cette école, que je n’ai malheureusement pas le temps de traiter). Vous me suivez encore ? Si Camel avait poussé le curseur vers la mélodie, Hatfield lui insiste plus sur la part Jazz et Expérimentale de son ainé et fait un pont appréciable entre les deux piliers de l'école de Canterbury, Soft Machine et Caravan.



Je pourrais citer bien d'autres groupes : Caravan of Dreams, Khan, Egg, Nucleus... Mais j'en resterais là pour aujourd'hui. Peut être un épisode 3... 

 

samedi 29 novembre 2014

[Focus] Ecole de Canterbury 1/2

Après avoir évoqué Kevin Ayers, et insisté sur certains noms gravitant en invités autour de ses albums, il est logique de parler du mouvement musical devenu culte mais toujours difficile à délimiter, l'école de Canterbury auquel il est associé.
Cette école ne correspond ni à une zone géographique particulière, ni à un genre musical, même s'il se rattache au rock progressif dans son acceptation la plus large, auquel je préfère le terme d'Art Rock, comprenant du Rock d'avant garde, psychédélique, aux accents jazz, orchestral et j'en passe. Il est d'ailleurs à noter qu'aucun des groupes rattachés à ce mouvement ne fait vraiment du rock progressif. 
Ce qui rattache les groupes entre eux et une origine commune, le groupe The Wilde Flowers, dont les principaux membres se sont rencontrés sur le campus de Canterbury. On y retrouve notamment, Hugh Hopper (basse), Robert Wyatt (Batterie, voix), Kevin Ayers (voix), Graham Flight (voix), Richard Sinclair (guitare rythmique, voix), Pye Hastings (guitare, voix), David Sinclair (clavier), Richard Coughlan (batterie) et Brian Hopper (Guitare solo, saxophone, voix). Ce groupe n'a pas sorti d'album officiel pendant les 4 ans de son existence (64-67), mais par la suite, ces différents membres fonderont d'autres groupes entre eux ou avec d'autres musiciens, qui a leur tour collaboreront avec d'autres musiciens... créant ainsi un réseau tentaculaire dont l'influence reste sans égale, centré autour de deux formations cultes, Soft Machine et Caravan.

I - Soft Machine
Le premier groupe de cette rétrospective est Soft Machine fondé par  Robert Wyatt et Kevin Ayers auquel se rajoute deux autres membres non présents chez The Wilde Flower : Mike Ratledge (orgue, piano) et Daevid Allen (guitare). Difficile de résumer rapidement ce groupe qui entre 66 et 84 a vu passer en son sein plus de vingt membres d'horizons différents, et qui aura au cours de ses vingt années changé complétement d'orientation musicale. On peut globalement découper la carrière du groupe en deux périodes, la première (66-68/69) où les membres originels proposaient une musique très psychédélique, puis la seconde (69-84) ou, avec le départ successif de Daevid Allen, Kevin Ayers puis Robert Wyatt, a glissé vers le Jazz, avec Third en album charnière, balancé entre ses deux courants.

Période Psychédélique :



Third :


Période Jazz :



Les différents membres de la première version de ce groupe partiront fonder d'autres formations marquées par un même sens de la musique, théâtrale, marqué par l'humour, le dadaïsme et le psychédélisme.

Kevin Ayers s'entoura de son groupe The Whole World, qui verra les premiers pas de David Bedford et de Mike Oldfield, et s'accompagnera de musiciens invités, parfois rattachés à l'école de Canterbury ou non, tel Robert Wyatt, Mike Ratledge ou encore Steve Hillage



Daevid Allen quant à lui, installé en France y fondera Gong, communauté hippie autant que groupe, avec entre autres Didier Malherbe et Gilly Smith. Formation qui connaitra une évolution assez proche de Soft Machine (dont on retrouve certains anciens membres, outre Daevid, avec Steve Hillage ou Allan Holdsworth) débutant dans un rock très psychédélique, marqué par un fort sens de la dérision et de la fête, à un jazz complexe et alambiqué, là encore suite au départ des membres fondateurs. Daevid Allen fera son retour dans la formation à l'aube des années 2000 et nous gratifie depuis de nombreux concerts en France. A noter la fabuleuse trilogie Radio Gnome (73-74) qui se clôture par le magistral You qui apportera une dimension Space Rock à la formation du plus bel effet.



Robert Wyatt créera d'abord Matching Mole en référence à la traduction française de Soft Machine d'où il avait été évincé : Machine Molle. Suite à un grave accident, il fera une carrière solo tout en subtilité et délicatesse avec en point d'orgue le génial Rock Bottom.



A noter que Karl Jenkins, chef de file de la seconde période de Soft Machine à également connu un certains succès en solo, mais dans un genre assez différent :


La suite (Focus sur Caravan et sa descendance) au prochain épisode...

vendredi 28 novembre 2014

Kevin Ayers - Bananamour (1973) Rock


Suite de notre diptyque sur Kevin Ayers.
Bananamour sortit en 1973 est son quatrième album solo. Pour l'occasion, il fait peau neuve, s'entourant d'Archie Legget à la basse et Eddie Sparrow à la batterie en lieu et place de Dave Dufort. C'est au tour de Steve Hillage de remplacer Mike Oldfield à la guitare, ce dernier étant en plein enregistrement de son premier album Tubular Bells. Dave Bedford et Robert Wyatt sont toujours présents.
Si Whatevershebringswesing brillait par sa richesse, mélangeant genres, tons, rythmes... Bananamour se veut plus cohérent. Un rock plus calibré, plus accessible, plus mélodique, laissant moins de place aux expérimentations angoissantes ou psychédéliques. Des chansons (la voix est très présente) rock légères, qui fleure bon les sixties (oui, nous n'y sommes plus...). Ce n'est pas pour autant que Kevin Ayers perd ici de son intérêt, la première face est une franche réussite, c'est accrocheur, enjoué, très mélodique, et l'instrumentation maitrisée et parfaitement pensée. Shouting in a Bucket Blues résume bien ce constat, le duo voix/guitare fait merveille et il est difficile de résister à ce tube en puissance. Interview propose la seule petite incartade vers une musique plus psychédélique.
La seconde face retrouve (un peu) un côté hétéroclite, avec le progressiste et ambitieux Décadence, et son excellent final instrumental qui côtoie le mutin ou la comptine. Mais il faut avouer que sortit de ce premier morceau, cette seconde face perd en intérêt, où une trop grande légèreté de la musique n'arrive pas à être compensé par des mélodies trop simples pour distraire.
Si comme moi, vous louez l'époque 68-73 pour ce vivier créatif extraordinaire qui vu l’émergence d'une scène dynamique et avant-gardiste, Whatevershebringswesing vous apportera plus de plaisir, sinon, ce Bananamour est une bonne porte d'entrée à la musique de Kevin Ayers et donc à l'école de Canterbury et ses nombreuses merveilles. Il réussit à être un excellent album jusqu'à sa sixième chanson, avant de baisser en intérêt.

Musiciens :

Kevin Ayers - Voix, Guitare, Basse, Piano
Archie Legget - Basse, Voix
Eddie Sparrow - Batterie
Mike Ratledge - Orgue
David Bedford - Claviers
Robert Wyatt - Voix


Tracklist :

Face 1
1 - Don't Let It Get You Down
2 - Shouting In A Bucket Blues
3 - When Your Parents Go To Sleep
4 - Interview
5 - Internotional Anthem

Face 2 
6 - Decadence
7 - Oh! Wot A Dream
8 - Hymn
9 - Beware Of The Dog


samedi 22 novembre 2014

Kevin Ayers - Whatevershebringswesing (1971) Rock Prog'/Psychédélique

On ressort de la cave une double ration de Kevin Ayers, avec la compilation regroupant deux albums Whatevershebringswesing et Bananamour, qui a eux deux voient l'intervention de quelques grands noms de la scène prog', déjà bien affirmés ou en devenir. La mode des "guests" existaient déjà à l'époque, mais ici, il s'agit de bien plus que cela, puisqu'on touche à l'école de Canterbury, qui fera l'objet d'un focus sur ce blog dans un avenir proche.

Première partie de cette chronique, nous allons évoquer le cas Whatevershebringswesing. Premièrement, pourquoi ce nom ? Je ne le sais pas ! Ça c'est fait... Au regard de cette formation éclectique, entre membres de Soft Machine, de Gong ou de sa précédente troupe The Whole Word on peut s'attendre à une musique diversifiée, voir chaotique. Et c'est le cas, entre les arrangements déstructurés et angoissants de David Bedford (décidément, on ne rigole pas tout les jours en écoutant sa musique), les mélodies sublimes et apaisantes portées par les guitares de Mike Oldfield ou les flutes et le saxo de Didier Malherbe. Dès le premier morceau, la richesse est à l'honneur, et colle à la personnalité exubérante de Kevin Ayers, comme sur Oh My, chanson très légère, qui fleure bon l'herbe, et que ne renierait pas Gong. Song From The Bottom Of A Well est en totale rupture avec la musique proposée précédemment et s'avère particulièrement sombre voir malsain, porté par une voix grave plus parlée que chantée et par des rythmiques répétitives qui donnent un aspect presque incantatoire à la musique.

Ce gros meltingpot se poursuit sur la face B qui  s'ouvre sur des chœurs et une mélodie gentiment mélancolique. Une balade champêtre où la voix grave de Kevin Ayers se mêle avec harmonie à celle plus sensible de Robert Wyatt. Le solo tout en douceur de Mike Oldfield s'accorde parfaitement à l'ambiance de cette chanson.
Ou encore sur ce Champagne Cowboy Blues, très lent, où Kevin Ayers nous interpelle régulièrement, et semble pour une raison que je vous laisse imaginer assez fatigué, et où la mélodie de Mike Oldfield apporte une tristesse à l'ensemble, et qui est interrompu joyeusement pendant un court moment par une fanfare.

De par ses grandes variétés de ton, d'ambiance, d'instrumentation... cet album est d'une grande richesse, même si certains enchainements peuvent choquer, et rendre l'ensemble assez incohérent. On n'a pas affaire à un album concept, mais juste un assemblage de très bonnes chansons qui nous offre chacune une expérience différente.


Musiciens :

Kevin Ayers - Voix, Guitare, Basse, Piano
Mike Oldfield - Guitare (Solo), Basse
David Bedford - Claviers
Didier Malherbe - Saxophone, Flûte
Dave Dufort - Batterie
Robert Wyatt - Voix

Track List :

Face 1 :
1 - There is loving amons us there is loving
2 - Margaret
3 - Oh My
4 - Song from the bottom of a well

Face 2 :
1 - Whatevershebringswesing
2 - Stranger in blue suede shoes
3 - Champagne cowboy blues
4 - Lullaby

vendredi 21 novembre 2014

David Bedford - Star's End (1974) Musique Orchestrale et Psychédélique


Si David Bedford est connu pour ses collaborations avec des musiciens rock comme Kevin Ayers ou Mike Oldfield, ce dernier jouant dans l'album présenté ici, ce Star's End n'a rien d'un album Rock accompagné d'un orchestre, comme les Queen, Scorpions et autres Metallica ont pu réaliser. On est à la croisée des chemins entre le psychédélisme de la fin des années 60 et la suite des Planètes de Gustav Holst.


L'album s'ouvre sur une introduction tout en dissonance, psychédélique, légèrement angoissante. Le ton est donné. La première face prend le temps de se construire, de faire apparaitre au fur et à mesure ses instruments qui s’additionnent autour d'une structure répétitive où les cuivres omniprésents poussent des plaintes lancinantes et provoquent un certain malaise à l'écoute, le tout rythmé par quelques montées en puissance sous acide. A l'écoute, on ne peut s'empêcher d'avoir les images de 2001, l'Odyssée de l'espace en tête. On ressent cette même sensation d’étouffement et de vertige à la fois devant l'immensité de l'univers, et cette solitude devant l'obscurité cosmique. La musique s'avère assez simple dans sa construction, une introduction, une plage centrale planante qui progresse vers un final soutenu par la guitare cristalline de Mike Oldfield, qui bien qu'agréable, n'apporte pas grand chose à la richesse et l'expressivité des différentes instruments de l'orchestre.

Le seconde face prend un parti légèrement différent et s'avère d'une plus grande profondeur. L'atmosphère reste angoissante, mais le rythme s’accélère, les harmonies laissent place à un désordre apparents, et le compositeur, ou l'auditeur, selon votre optimiste semble plongé dans la folie, comme si le choc du voyage dans l'espace, de l’oppressante solitude lui avait fait perdre la raison. Le calme revient alors, et apaisée, la musique se fait plus douce, susurrante parfois, avec quelques réveils, légers éclats, avant de retomber dans une sorte de léthargie. Et c'est lorsque l'on se le croit à l’abri, que la frénésie des cuivres et des cordes reprend soudainement pour une dernière montée d’adrénaline avant de s'étendre aussi vite. Les instruments semblent alors agoniser dans un quasi silence trompeur avant de venir triompher dans une mélodie superbe pleine de majesté et de fierté, marquant le dernier sursaut d'une étoile mourante qui nous gratifie d'un dernier levée de soleil réconfortant avant de s'étendre définitivement. Il ne nous reste plus qu'à contempler les ruines et les traces de la lutte de l'astre, seul dans l'immensité glacée à attendre notre fin, privée de toute lumière, dans un final calme et résigné.

Avec Star's End, David Bedford à respecter sa promesse, une musique très expressive, qui nous transporte dans l'espace glacial et nous permet d'assister à la mort d'une étoile. Tout un programme, qui s'il n'inspire pas la joie de vivre, nous propose de belles mélodies et de beaux moments contemplatifs. Si ce Star's End ne s'offre pas à la première écoute, et peut même s’avérer éprouvant pour ceux qui ont l'habitude de musique plus entrainante et joyeuse, il apportera beaucoup de plaisir aux autres qui feront l'effort de s'y immerger complétement.


Tracklist :

Face A : Star's End - 23'18"
Face B : Star's End - 22'26"

Musiciens :

David Bedford - Compositeur
Mike Oldfield - Guitares
Chris Cutler - Percussions
Orchestre Royal Philharmonique

vendredi 14 novembre 2014

Kiasmos - Kiasmos (2014) Techno/Ambiant

Je vous ai déjà parlé du projet Kiasmos dans un billet précédent, il est temps dans dire un plus sur leur premier album éponyme. Petite piqure de rappel, Kiasmos est le projet de deux hommes : Ólafur Arnalds (Islande) et Janus Rasmussen (Iles Féroé), soutenu par le label Erased Tapes, dénicheur de talents. Les deux musiciens sont connus pour avoir déjà touché à l’électro, le premier en le mêlant à des sonorités plus classiques et acoustiques, et le second ayant une fibre plus pop.


L'album nous ai vendu comme un album de techno. Sans rentrer dans les détails du style et dans une classification alambiquée, on y retrouve effectivement une rythmique très présente, très lourde et grave propre au genre, qui donne un côté répétitif qui n'est pas sans rappeler des œuvres minimalistes.
Mais l'album se construit autour de la dualité entre cette rythmique très marquée et des mélodies légères, aériennes qui tissent une ambiance atmosphérique ; le curseur se déplaçant d'un pôle à l'autre pendant toute la durée de l’œuvre. Le propos reste toujours simple, des mélodies accrocheuses, des atmosphères enveloppantes et envoutantes, des rythmes puissants et répétitifs, comme sur Looper construit autour d'un air de piano minimaliste sur lequel se greffe des percussions entrainantes qui se développent et gagnent en intensité. On retrouve cette progression également à l’échelle de l'album, où les vapes mélodiques se font plus insistantes, plus envahissantes, et enrichissent l'album, le chargent en émotion. L'instrumentation plus classique gagne du terrain, le piano d'Ólafur, évidemment, où les violons mélancoliques dans le final de Throw. Ce changement de cap atteint son apogée sur les trois dernier morceaux, le mélancolique Dragged, le plus sombre et agressif Bent, et le planant Burnt, somptueux final, climax émotionnel.

Kiasmos n'a pas inventé un genre, cette ambivalence entre ambiant et rythme existait déjà, et a connu son âge d'or au début des années 90 (The Orb, Aphex Twin, Autechre et autres sommités de l'ambiant house et de l'IDM), mais il lui apporte sa propre sensibilité, sa mélancolie, pour un résultat très réussi.


 Track List :

1. Lit
2. Held
3. Looped
4. Swayed
5. Thrown
6. Dragged
7. Bent
8. Burnt

Musiciens :

Ólafur Arnalds 
Janus Rasmussen



[News] Réedition du "Cactus Choir" de Dave Greenslade en CD

Sorti en 1976, en vinyle évidemment, l'album Cactus Choir de Dave Greenslade bénéficie enfin d'une version CD, disponible depuis le 27 octobre de cette année.
Il contient une chanson bonus, le thème de la série britannique Gangsters composé par Dave Greenslade et interprété par Chris Farlowe.
Disponible en import depuis l’Allemagne sur internet pour 12 €.
Album chaudement recommandé par votre serviteur, confère la critique juste en dessous.
Dave Greenslade - Cactus Choir

Dave Greenslade - Cactus Choir (1976) Rock Progressif



Cactus Choir est le premier album "solo" du compositeur et claviériste Dave Greenslade et marque la fin provisoire de son précédent groupe sobrement appelé Greenslade (je vous rassure, il a fait preuve de plus de créativité pour sa musique) pour des problèmes de management. Viennent se greffer à Dave Greenslade et Tony Reeves, rescapés de la précédente formation, de nombreux musiciens comme Mick Grabham (Procol Harum), Simon Phillips (Toto essentiellement, mais aussi, Camel, Mike Oldfield, Asia...), Steve Gould (Rare Bird)...

Cactus Choir est sorti en 1976, à une époque où le Rock Progressif est plutôt en fin de vie, les plus grands succès de Pink Floyd, Yes, King Crimson, Mike Oldfield... sont derrière eux, tout du moins dans le domaine de la musique progressive, certains rebondiront ailleurs. Dans ce contexte, difficile pour ce Cactus Choir de se faire une place au soleil, d'autant qu'il ne révolutionne en rien le genre. Cet album tombé dans un relatif anonymat aura du attendre cet automne pour une réédition en CD.

Il n'est pourtant pas à délaisser. Centré autour d'un claviériste, on pouvait craindre une profusion de synthétiseurs au son vieilli et des envolés ultra-techniques. Bien entendu nous avons le droit au Piano, Mellotron, Orgue Hammond, Synthétiseur ARP et autres claviers, mais Dave Greenslade prend le temps de poser ses notes sans surenchère pour tisser des mélodies émouvantes, comme dans le sublime Forever and Ever qui clôture la face A et superpose de nombreux claviers aux sonorités différentes, et n’hésite pas à se mettre en second plan pour laisser la vedette à la voix ou à la guitare.

Seul les introductions des deux faces peuvent sembler un peu vieillottes, mais après ces courts passages, l'ensemble sonne très mélodique, parfois triste, parfois très enjoué (on se surprend à se trémousser sur l'entrainant Dance Country). La diversité des instruments joués, le grand nombre d'intervenants, les variations de tons et de rythmes entre les chansons interdisent tout ennui, et offrent écoute après écoute un même plaisir, et le sentiment d'entendre une œuvre complète. Les enchainements soignés et la ligne mélodique claire qui nous mène jusqu'au Finale, condensé du reste de l'album, aux ambiances variées qui multiplie les contre pied, rend cet album concept autour de la colonisation de l'ouest américain cohérent.

Cactus Choir oscille entre ses influences, avec la volonté de produire un grand album ambitieux de Rock Progessif, en développant un concept fort, comme a pu le faire ELP, et une volonté de rester accessible et mélodique, comme Mike Oldfield, Vangelis et autres Camel. Ce manque de positionnement fort n'a pas nuit à la qualité de l'album, qui au contraire mélange les qualités. Résolument progressif, résolument mélodique. Un bijou !


Face A

1. Pedro's Party (3:37)
2. Gettysberg (3:57)
3. Swings and Roundabouts (4:20)
4. Time Takes my Time (6:50)
5. Forever and Ever (3:38) 

Face B

6. Cactus Choir (6:14)
a) The Rider (2:52)
b) Greeley and the rest (2:00)
c) March at Sunset (1:22)
7. Country Dance (5:30)
8. Finale (8:36)

Musiciens :
Dave Greenslade — Claviers (1-8), Voix (4)
Tony Reeves — Basse (1, 2, 6, 8)
Simon Phillips — Batterie, Percussions
Steve Gould — Voix (2, 6)
Dave Markee — Basse (3, 4)
John Perry — Basse (7)
Mick Grabham — Guitare (4)
Lissa Gray — Voix (4)
Bill Jackman — Flûte basse, Clarinette basse (8)

vendredi 7 novembre 2014

Musiques Islandaises

 Ah, l'Islande - terre de contrastes où la rudesse de la nature n'a d'égale que sa beauté - a été de tout temps une source d'inspiration pour les artistes.
La littérature très riche en est un parfait exemple, avec les sagas (courants littéraires Islandais du XII et XIIème siècles), retraçant la vie des premiers habitants de l'île (Sagas des Islandais), des rois norvégiens (Sagas royales)... Des textes teintés d'ironie mordante, ne se perdant pas dans des descriptions interminables, ne se centrant que sur l'histoire et ses personnages. Postérieur à ce courant, on peut citer la poésie scaldique et ses règles de construction opaque pour le profane (comme moi). L'Edda poétique et l'Edda en prose sont quant à eux les principales sources de connaissance sur la mythologie nordique, bien que rédigé après la conversion au christianisme de l'Islande.
Les immenses glaciers, les cascades majestueuses, les déserts de lave, les fjords étroits, les lacs glaciaires, les volcans multicolores... Il n'y a rien d'étonnant que de tels paysages inspirent l'artiste, notamment le musicien. Ayant eu l'occasion de visiter ce pays, c'est tout naturellement que j'ai voulu me renseigner sur les groupes locaux, ma culture se limitant jusque-là à Björk.
Force est de constater qu'il existe toute une frange de musiciens proposant une musique innovante, créative et n’hésitant pas à mélanger des univers musicaux pour servir leurs compositions.
Je vais vous parler de trois artistes islandais qui m'ont particulièrement touché. Il ne s'agit donc évidemment pas d'une liste exhaustive, la musique Islandaise étant bien plus riche que ce que cet article peut présenter.

Bardi Johannsson

Né en 1975, Bardi est un artiste (Islandais, donc...) multi facettes, participant à de nombreux projets musicaux dans des genres très diversifiés. On lui doit la sublime BO d'Haxan - film suédois, ayant posé en 1922 les jalons de l'imagerie occulte au cinéma - pour sa version remastérisée de 2006. Une œuvre orchestral d'une grande beauté, et d'une grande simplicité teintée de mélancolie et de noirceur. Plus récemment il a composé la musique du dernier film de Nils Tavernier, "de toutes nos force".



Il a aussi co-fondé avec Henrik Björnsson (qui est parti avant même le premier album fonder son propre groupe de Shoegaze Singapore Sling) le projet Bang Gang. Ce groupe s'avère finalement plus un projet solo centré autour de Bardi qui s'accompagne de musiciens ou vocalistes itinérants, état de fait parfaitement illustré par son clip Find What You Get



Il s'est notamment entouré de Keren Ann ou Anthony Gonzales (M83). A ce jour, il a sorti 3 albums : You en 1998, Something Wrong en 2003 et Ghosts from the past en 2008. Si les deux derniers proposent une pop ciselée aux légers accents electro, sans grande originalité mais néanmoins très agréable, le premier album se rattache au mouvement trip hop et s'avère extrêmement plaisant.


Il a également formé le groupe Lady & Bird avec Keren Ann pour sortir un album éponyme en 2003. Plus récemment il s'est allié à Jean-Benoit Dunckel (du duo Air) pour former Starwalker. Un Ep est déjà sorti et on attend avec impatience leur premier album. 
Et ce n'est qu'un très rapide aperçu de la carrière du monsieur. N'hésiter pas à feuilleter les liens en fin d'article pour en découvrir plus.

Olafur Arnalds

Plus jeune que Bardi, Olafur a pourtant un CV déjà impressionnant. Les français (dont moi) ont pu le découvrir grâce à l'excellente mini série Broadchurch dont il est le compositeur. Une BO mêlant les instrumentations classiques, l’électro et la pop. Le thème principal est une pépite, proposant une progression vers un final imparable, qui nous submerge d'émotions.
 

Sa musique en solo est très aérienne, très épurée, mélancolique mais toujours teintée d'une note d'espoir, entre ambiant et pop, entre instrumentations acoustiques et classiques et sonorités plus modernes.


Là encore il est très difficile de coller une étiquette à cet multi instrumentiste, qui a pu s'exprimer en tant que batteur dans un groupe de Metal, reconnu pour ses improvisations au piano, et plus récemment en ayant co-fondé un groupe de techno ambiant, Kiasmos, avec Janus Rassmussen des îles Féroé voisines. Leur premier album vient tout juste de sortir et s'avère en premières écoutes très agréable et prenant.



Sigur Ros

J'ai hésité à intégrer Sigur Ros dans cet article, ce blog ayant plus vocation à faire découvrir de la musique que de louer des groupes d'une renommé internationale (renommé acquise en partie grâce à leur tournée au début des années 2000 en première partie de Radiohead, où ils ont pu démontrer tout leur talent). Mais ce groupe représente si bien ce que je ressens en évoquant l'Islande que je ne pouvais passer à côté. Sigur Ros c'est la musique dépourvue de tout artifice au service de l'émotion. C'est du post-rock planant, porté par la musique de fausset de Jónsi et le jeu de guitare à l'archet.
La recette est souvent la même, des mélodies sublimes amenées sur un plateau par des compositions tout en progression jusqu'au climax qui nous transporte dans leur univers. Cela pourrait entrainer une certaine lassitude, mais les albums sont également construits pour rompre cette monotonie, créant des passages lents et reposants entrecoupés de montées en dramaturgie. L'album ( ), le plus réussi à mon gout, l'illustre, composé de mélodies simples et accrocheuses, nous berçant sans accroc jusqu'au deux derniers morceaux, où la tension et l'intensité augmentent soudainement jusqu'au final sublime.


Chaque album ré-interprète la musique de Sigur Ros, tantôt facile et agréable, tantôt noire ou mélancolique, mais toujours belle. Mais la patte Sigur Ros y est toujours inscrite, et le style reconnaissable immédiatement. Sigur Ros fait du Sigur Ros sur chaque album et le fait bien.
L'album Takk est sans doute la meilleure voie d'accès pour découvrir ce groupe, de par son indéniable qualité, l'un des plus beau qu'il m'ait été donné d'entendre, et par sa plus grande diversité, son rythme plus changeant.


Vous pouvez aussi les découvrir à partir de leur série de vidéos tournées pour Valtari qui associe à la musique des visuels variés.


Ce sera tout pour aujourd'hui (jusqu'à quand...).
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Quelques liens :
Bardi Johannsson :
Olafur Arnalds :
Sigur Ros :